Chap1

Rencontre avec Thìn qui prédit

   

   Comme souvent à Cholon et depuis longtemps, semblable à ce jour, je me retrouve seule dans la rue, à vrai dire habituée à être livrée à moi-même. Je sais toujours ce que je dois faire, mais sans savoir vraiment pourquoi.

   Venu des quais d’embarquement de l’Arroyo Chinois, le camion à carrosserie verdâtre, plutôt bruyant et chargé, vient de s’arrêter. Des inscriptions calligraphiques chinoises écrites en rouge sur les côtés, un semblant de toile écrue et tachée de boue, en guise de banne, son caisson vétuste dissimule à peine une immense masse de bois bien tassée… 
   Ah enfin ! Il faut dire que la foule de recrus volontaires, dont je faisais partie, attendait impatiemment déjà au moins une heure.

[...]

Notes complémentaires 

2  Thin signifie « Dragon » en vietnamien. Thin est le cinquième signe astrologique. Dans la culture asiatique, Thin est un animal tout-puissant, sacré, respecté et représente la puissance de la nation. Il apporte la pluie et symbolise le Yang, principe de vie et de croissance. Il est admis que le Viêt-Nam est le pays de Thin.

Cholon, littéralement « le grand marché », anciennement Tai-Ngon « oreille délicieuse » ou « marches au bord du quai » selon les communautés, est le quartier chinois de Saïgon qui regroupe 600 000 âmes. Le cœur de Cholon et celui de Saïgon sont distants de 6km. Il est dominé par les communautés sino-vietnamiennes Hoa, San Diu et Ngái depuis la fin du 18ème siècle. Initialement Cholon était un lieu marécageux parsemé de rizières, les immigrants chinois issus de couches sociales inférieures sont venus assécher la terre et mettre en place un marché. Ainsi le quartier est organisé autour du marché Bình Tây. Cholon et Saïgon ne forment plus qu’une ville en 1930 depuis la période coloniale. Saïgon a été rebaptisé Hô Chi Minh-Ville depuis 1975.  

4  L’Arroyo Chinois est le canal reliant le quartier Cholon à la rivière Saïgon. Un arroyo est un cours d’eau ou ruisseau temporaire qui se remplit lorsqu’il pleut. Sur l’Arroyo Chinois stationnent ou se déplacent en permanence une flottille de 3 000 sampans chinois ou jonques depuis l’intérieur du pays. Ils transportent les marchandises vers les rizeries de Cholon et acheminent le riz transformé vers les cargos ancrés dans le port de Saïgon. 

Un coolie est un ouvrier agricole d’origine asiatique employé dans les colonies. 

La piastre indochinoise est la monnaie courante en circulation entre 1885 et 1952 en Indochine française. Son histoire est marquée en 1947 par une période de trafic entre la France et l’Indochine qui fit scandale : son taux de change fut bloqué à une piastre pour 17 francs, alors que sa valeur sur les marchés asiatiques était de 10 francs, voire moins, ce qui a encouragé de nombreux spéculateurs parmi lesquels des membres du gouvernement de l’époque. 

7  Le riz paddy est un riz brut non décortiqué et non traité, sorti directement des centres de production. Le riz paddy est stocké à sec dans des sacs de jute pour éviter la moisissure, transporté rapidement par charrettes ou jonques et déchargé devant les rizeries alignées sur les rives pour y être décortiqué et traité. Il existe à Cholon une douzaine de puissantes rizeries, détenues par les chinois, pouvant produire de 500 à 1000 tonnes de riz par jour, destinées en partie à l’exportation depuis le port de Saïgon. Après la prise au pouvoir des communistes du Nord, ces stocks de riz, qui pouvaient nourrir tout le Viêt-Nam pendant 6 années, ont été envoyés en Chine continentale pour paiement de dettes d’armes et munitions fournis aux Vietnamiens du Nord pour « libérer leurs compatriotes du Sud », le peuple vietnamien devant se nourrir de produits de remplacement (patates, manioc, graines de seigles, etc.).  

8  Le nón lá (littéralement « chapeau de feuille ») est le chapeau vietnamien conique commun, d’origine chinoise, original par sa forme conique circulaire. Il est fait à partir de feuilles de latanier destiné à se protéger du soleil et de la pluie pendant les travaux des champs. Il permet également de se protéger des serpents se laissant tomber des branches, lors de balades en forêt. Les nón lá sont fameux à cause de leurs parures romantiques et intemporelles, qui peuvent contenir des représentations ou des mots colorées. Les variétés Hue sont célèbres pour leur Nón bài thơ (littéralement : chapeaux coniques poème). Ceux-ci contiennent des versets poétiques et des caractères chinois qui peuvent être révélés quand le chapeau est orienté dans la lumière du soleil. 

La rue de Canton est une rue importante de Cholon. Elle concentre une forte population traditionnelle chinoise venue de la province de Canton qui vivent de nombreux commerces et transmettent leur culture. Le dialecte cantonnais est la langue principale de communication entre toutes les communautés chinoises (Jiao Zhou, Hainan, Fujian, He, etc.).

10  Le cyclo-pousse de Saïgon est appelé communément « cyclo ». Le cyclo-pousse est une invention d’un industriel charentais Pierre-Maurice Coupeaud en 1937 qui révolutionna le transport en Indochine. Au début réservé à l’élite, il devint un moyen de locomotion populaire et bon marché pour les familles les plus modestes. Quelque 6 500 cyclo-pousses ont été mis en circulation à Saïgon et Cholon. Depuis les années 40, ce « taxi du pavé » a remplacé progressivement le traditionnel pousse-pousse est concurrencé depuis les années 60 par le cyclomoteur (Motobécane, Solex, etc.). 

11  Le canal Bonnard est situé à l’intérieur de la ville, non loin du marché Bình Tây et est fortement fréquenté par les jonques. 

 12  Comme en Chine, il est fréquent de voir des marchands exercer plusieurs métiers parfois très différents. 

 13  HÓA se traduit en français courant « Fleur » et en français littéraire « Beauté » ou encore « Amour, être aimé ». 

 14  Selon un ancien mythe d’origine, le peuple Vîet serait né des amours de la Reine fée Âu Cơ, issue du Feu et du Seigneur Dragon Lac Long Quân, issu de l’Eau. Mariés malgré leurs natures différentes, ils auraient donné naissance à cent œufs, d’où seraient sortis cent enfants. L’Eau et le Feu ne pouvant demeurer mariés, Lac Long Quân et Âu Cơ prennent la décision de se séparer. Cinquante de leurs enfants descendent vers la mer, guidés par leur père, et cinquante autres suivent leur mère sur la montagne, pour y constituer les peuples montagnards minoritaires.         

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