Chap2

Naissance de Tý qui dérange

   Un petit cri dans la nuit est venu de la Clinique Denier, rue des Marins.

   C’est l’une des plus grandes rues principales de Cholon, la rue des restaurants et des magasins, un défilé d’échoppes chinoises de toutes sortes. C’est la rue dans laquelle rayonne le « Grand-Monde », protégé par de grands murs jaunes. 
   Ce cri est mon premier signe de vie, mon premier souffle, dès ce mardi 4 août 1936.
   Une nouvelle vie pour le monde, une nouvelle joie pour toute une famille. C’est aussi un premier bonheur d’enfant pour une femme et un homme qui n’étaient pas véritablement un couple, bien que mariés pour la vie. 

   Cette femme, dont j’ai oublié le prénom, et cet homme, dont on ne m’a jamais donné le sien, se sont aimés quelques mois avant, quelque part à Cholon. Ils n’ont pu que constater ma naissance à venir.

[...]

Notes complémentaires   

   15  Tý signifie « Rat » en vietnamien. Tý est le premier signe astrologique vietnamien et couvre notamment les années 1936 et 2020. Tý symbolise la pauvreté, avec pour effet une forte capacité d’adaptation et de survie.

16  Le « Grand-Monde » est le plus vaste établissement de jeux dans le monde à cette époque. Je donnerai des détails plus loin.

17  Henriette Bùi Quang Chiêu est la première femme médecin au Vietnam. Née le 8 septembre 1906 à Hanoi (Nord-Vietnam), elle commence des études de médecine en 1926 en France. Elle y étudie pendant sept ans, se spécialise en anatomie pathologique, en obstétrique, en gynécologie, en pédiatrie et en puériculture, avant d'obtenir son diplôme de docteur en médecine en 1934, avec une thèse saluée et récompensée par des médailles. Elle revient au Vietnam en 1935, est nommée médecin et dirige le département des sages-femmes de l'hôpital de Cholon. Elle ouvre également un cabinet privé de gynécologue, le pays manquant de ce type de spécialistes. En 1957, elle se rend au Japon pour étudier l'acupuncture. Puis elle s’installe à Paris, et tente sans grand succès d’y introduire l’acupuncture. Elle revient à nouveau au Sud-Vietnam en 1965, soigne notamment les combattants dans un cadre humanitaire. Puis elle quitte définitivement le pays en 1975 pour la France. Elle prend sa retraite de médecin en 1978 et meurt à Paris en 2012. 

18  L’école d’apprentissage de sages-femmes a été institutionnalisée dès 1904 avec la création de deux écoles professionnelles de la maternité aux extrémités du Viêt-Nam : au sein de l’Ecole de médecine de Hanoï et à l’école pratique de médecine indigène à Cholon. L’apprentissage de 2 ans théorique et pratique comporte les matières principales suivantes : physiologie, hygiène femme et enfant, vaccination, accouchement, pathologie post-natale. Le titre délivré à l’Ecole de Cholon est « sage-femme-infirmière ».   

19  Les Vietnamiens gardent très fréquemment un oiseau sauvage en cage en bambou pour contrer une maladie ou rééquilibrer sa vie après un acte malveillant. Cet usage s’inspire de lointains textes sacrés bouddhiste délivrant qu’il suffit d’un arbre pour faire un million d’allumettes et seulement une allumette pour enflammer un million d’arbres. Dans cet esprit il est conseillé de relâcher les oiseaux sauvages en captivité qui pourraient avec le temps être plus puissants que les humains. Malheureusement le taux de mortalité de ces oiseaux est de 90% en captivité ou après leur libération. 

20  Selon la pensée bouddhiste, les origines de nos souffrances sont la cupidité, la colère, la passion et l’ignorance. Les désirs se matérialisent en actions appelées Karma. Les mauvaises actions obligent l’homme à en accepter les conséquences sans pouvoir y échapper. Le Karma implique donc que tout acte a des effets sur sa vie et sur sa destinée formée par ses différentes vies. Au Vietnam, le culte des anciens bien plus fort que tout autre religion a également pour objectif de les respecter et de ne rien faire qui puisse offenser leur âme qui reste sur terre et dans la maison…de peur d’en souffrir les conséquences. On chérit donc son Karma ! Dans le versant bouddhique de la culture vietnamienne, le Karma est un outil précieux pour aider les familles dont un membre est soit malade, soit handicapé. Ma Grand-Mère l’a beaucoup utilisé, j’en reparlerai plus loin.  

21  Il existe une cinquantaine d’espèces différentes de Rats au Vietnam, véritable fléau pour les rizières en dévorant jusqu’à 20% de la production de riz. Plusieurs centaines de tonnes par an de Rats sont capturés et tués à Saïgon dont une partie est destinée à des restaurants en tant que mets de choix, une autre donnée aux paysans qui les mangent ou s'en servent pour fabriquer de la nourriture pour les cochons ou les poissons. Les Rats sont une source de protéines importante pour les communautés agricoles vietnamiennes du nord et du sud. 

22  Les nombreux fours à briques qu’on peut trouver dans le delta du Mékong, au sud de Saïgon, notamment dans la province de Ben Tre. Ces fours à briques servent à cuire… des briques ! Elles sont façonnées à partir d’argile extraite sur les berges du fleuve, avant d’être disposées méticuleusement et à la main, une par une, dans ces immenses fours. Il faut parfois une semaine pour remplir un four, les briques pouvant atteindre le toit, et leur capacité peut atteindre jusqu’à 19 tonnes ! La cuisson dure environ 25-30 jours et le feu est maintenu grâce aux cosses du grain de riz, beaucoup moins coûteuses que le bois ou le charbon. Après la cuisson, les cendres sont utilisées pour en faire du fertilisant et les briques bien cuites sont laissées refroidir avant de sortir du four. 

23  Le chaume de riz est plus solide que de simples feuilles de palmiers nains asséchés que l’on voit souvent ailleurs. Le chaume est plus efficace pour protéger des fortes pluies ou garder un peu de chaleur lors des saisons froides. 

24  Selon la culture chinoise, les mauvais esprits peuvent à tout moment pénétrer dans la maison par la porte d’entrée et s’emparer du corps des personnes les plus exposées, soit les plus proches de la porte.

25  Contrairement au modèle occidental qui repose sur une logique de filiation et de génération, la famille vietnamienne ne désigne pas seulement tous les membres qui vivent dans une même maison (« Nhà »), qui n’en sont que des éléments, mais aussi toutes les personnes descendant d’un ancêtre commun sur généralement neuf générations et constituant l’essence familiale sacrée (« H »). Vénérer les anciens a donc autant de valeur que de vénérer son père, sa mère, son frère, sa sœur comme ses propres enfants. 

 26  Autrefois, les hommes et les femmes portaient un ao dai, une longue robe, qui date de la période du seigneur Nguyen Phuc Khoat, adapté et perfectionné. C’est le costume préféré des Vietnamiennes pour les grandes occasions. Elle se présente aujourd’hui comme une tunique ajustée, dont les deux pans se séparent à la taille et tombent à mi-mollet. Elle est portée avec des pantalons en soie, tandis que l’ao dai elle-même peut être fait avec des matières différentes. L’ao dai couvre le corps tout en révélant subtilement la silhouette gracieuse des Vietnamiennes.         

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